Climat : la crainte d’un dénouement mitigé à Lima

Sights of #COP20 (Lima, Peru)
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Sights of #COP20 (Lima, Peru)

Alors que les négociations sont entrées dans leur phase finale, des militants écologistes manifestent devant le centre de conférences à Lima pour faire pression sur les participants. Cris Bouroncle/AFP

Sommet - Les débats battaient toujours leur plein hier au dernier jour des négociations, laissant présager une prolongation samedi.

C'est dans une atmosphère surchauffée (au sens littéral comme au figuré) que les délégués des pays ont commencé à discuter hier du nouveau texte mis en circulation par la présidence du Cop à Lima sur les contributions nationales que les pays devront présenter en début d'année prochaine en vue de l'accord global sur la lutte contre le changement climatique. Cet accord devra être signé à Paris au cours de la 21e conférence de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC).

Ces contributions nationales sont des documents dans lesquels les pays s'engagent à prendre des mesures de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. En tout, ces réductions devront être suffisantes pour garder le réchauffement planétaire à moins de deux degrés, suivant les directives des scientifiques. L'accord de Paris entre en vigueur en 2020.

Ce nouveau texte publié par le président du Cop, le ministre péruvien de l'Environnement Manuel Pulgar Vidal, tard dans la nuit de jeudi à vendredi, est très court, contrairement au précédent – sept pages seulement (contre une soixantaine pour celui d'avant). Il vise à sortir les négociations de l'impasse, étant donné qu'une décision sur les contributions nationales est considérée comme la réalisation majeure de Lima. Il n'occulte pas certains des points jugés litigieux comme les contributions financières des pays développés pour l'adaptation dans les pays les plus vulnérables, ou encore la nécessité de présenter des objectifs chiffrés contraignants et supérieurs aux objectifs précédents des pays, ce qui fait peur à nombre de pays en développement.

On note également, dans ce texte, la présence d'options dans certains des articles-clés comme celui concernant la manière dont les parties devront communiquer leurs CPDN (« contributions prévues déterminées au niveau national »), et comment les informations y seront vérifiées. Ces options sont ouvertes au débat et sont considérées comme plus ou moins favorables par les pays, suivant les intérêts de chaque groupe (pays les plus vulnérables, pays en développement...).

Selon des informations obtenues hier après-midi à Lima, les représentants des différents pays campaient toujours sur leurs positions, notamment en ce qui concerne les répartitions des responsabilités et les informations à présenter dans les contributions nationales. Les pays en développement préfèrent maintenir le clivage traditionnel avec les pays développés, ce à quoi ceux-ci rétorquent que dans le groupe des pays en développement, de grandes divergences existent, certaines de ces nations étant plus comparables à celles dites développées. Selon les prévisions, le texte qui résulterait de Lima serait donc faible, avec peu de dénominateurs communs entre les pays, reportant à plus tard les vrais débats.

« Dangereusement faible »

C'est ce que craint également Waël Hmaïdane, directeur de Can International, un grand rassemblement mondial d'ONG. Celui-ci déplore, dans un entretien avec L'Orient-Le Jour, qu'il y ait si peu de clarté dans les différents débats climatiques en cours à Lima. « Nous avons besoin de comprendre par quel processus on arrivera au financement de la période qui nous sépare de 2020, date à laquelle le nouvel accord entrera en vigueur, dit-il. Cette information est cruciale pour que le travail commence sur la réduction de la marge entre les émissions émises actuellement et celles qui permettraient de respecter les engagements pour maintenir la hausse de la température de la Terre à moins de deux degrés. Les débats ministériels n'ont pas donné les résultats escomptés ici. »

Manque de clarté aussi, selon lui, sur le processus de financement de l'après-2020, période à laquelle 100 milliards de dollars devraient être sur la table. Idem pour les contributions nationales, qui ne sont pas encore soumises à des règles communes (sous peine de voir des documents hétéroclites présentés par les pays avec impossibilité de les rationaliser). « Le texte sur les contributions nationales présenté hier (jeudi soir) comporte des options dans ses articles-clés, poursuit Waël Hmaïdane. Selon que telle ou telle option sera choisie, le dénouement de Lima sera positif ou pas. Dans le meilleur des scénarios, nous aurons des précisions sur le financement et les contributions nationales. Au pire, nous resterons dans le vague sur tous les plans.

En gros, les ONG ont trouvé ce texte plutôt faible, même s'il n'est pas exempt de points positifs par rapport au passé. Pour Oxfam, « ce dernier jour de négociations semble inviter les parties à choisir leur propre roman d'aventure ». « Ce texte est dangereusement faible, poursuit le communiqué, commentant les options qui vont des plus vagues aux plus spécifiques. Les choix faits aujourd'hui nous permettront soit d'être sur une voie à peine praticable jusqu'à Paris, soit de nous condamner à un avenir périlleux. Les ingrédients pour un certain progrès sont sur la table ici à Lima, mais les négociateurs auront besoin de courage pour les utiliser. »

Pour WWF, « il est bon que le texte (final de Lima, qui fait l'objet de ces discussions) contienne des informations sur ce qui est requis dans les contributions nationales devant être présentées en 2015, mais celles-ci devraient être renforcées ».

La publication de ce texte réduit intervient quelques heures après le discours au ton très ferme prononcé par le secrétaire d'État américain John Kerry, dans lequel celui-ci appelle les pays à faire le nécessaire pour s'entendre sur un nouvel accord à Paris et où il met l'accent sur le changement dans les politiques énergétiques. Ce discours a en grande partie été salué par les défenseurs d'une ligne dure en faveur de réductions drastiques des émissions. Les bonnes intentions – affichées ou réelles – pourraient cependant se perdre dans le diable des détails des négociations...