Un accord à l’arraché à Lima... insuffisant pour la société civile

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Climat  - Ce n'est que tard, dans la soirée du samedi, que les négociateurs à la conférence de l'Onu sur le changement climatique réunis au Pérou sont parvenus à un accord qui prépare le prochain sommet de Paris.

Les délégations des pays participant au vingtième sommet sur le climat de l'Onu à Lima, Pérou, ont adopté in extremis samedi soir, avec près de 30 heures de retard, un texte qui définit les engagements qu'ils devront prendre en début d'année prochaine, en vue de l'accord global et contraignant qui devrait être signé à Paris en décembre prochain.

Les pourparlers étaient ardus à Lima, marqués par un clivage nord-sud très important, notamment sur les questions des finances, de la répartition des responsabilités concernant les réductions des émissions de gaz à effet de serre (responsables du changement climatique) et des éléments à inclure dans les documents des contributions des pays à la réduction globale des gaz dans l'atmosphère.

Ce texte adopté à Lima a été « jugé acceptable par toutes les parties » et « servira de base au sommet de Paris, définissant les contours que prendront les engagements des pays : périmètre, contenu, mode d'évaluation ». Sont mentionnées dans le texte les deux exigences des pays en développement, celles d'inclure d'une part les actions d'adaptation dans ces documents d'engagement (les pays du nord préféraient se limiter aux actions de réduction des gaz à effet de serre), et d'autre part les soutiens financiers des pays développés à leur égard. Ces deux points ne font pas pour autant l'objet d'obligations.

« Après tout un après-midi et une soirée consacrés à sonder les positions des uns et des autres en privé, Manuel Pulgar-Vidal, ministre péruvien de l'Environnement, qui présidait les débats, avait soumis un autre projet de texte aux parties, qui l'ont finalement adopté par consensus après seulement une heure de réflexion », selon le correspondant de l'AFP sur place.

« Le fantôme de Copenhague s'éloigne et l'espoir d'un succès à Paris se rapproche », a déclaré Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, en référence au sommet de Copenhague en 2009 qui s'était soldé par un échec.

Auparavant, vendredi soir, plusieurs interventions intransigeantes avaient été faites en séance plénière par des représentants de pays en développement. «Il sera difficile d'accepter des contributions sans mention des financements (dans les documents que devront présenter les pays développés) », avait déclaré le représentant du Soudan au nom du groupe Afrique. Le délégué de Malaisie, parlant au nom d'un large groupe de pays en développement, avait insisté sur le fait que « les contributions doivent tenir compte de l'adaptation ». En réponse à ces interventions, le négociateur américain Todd Stern s'était dit favorable « à de nouvelles formulations », mais « sans longues négociations ». Sachant que le secrétariat de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) réalisera, pour le 1er novembre 2015, une synthèse abrégeant les différents engagements.

Urgence scientifique sacrifiée

Commentant l'issue du vingtième sommet sur le changement climatique, le CAN, un grand rassemblement d'ONG internationales qui suivent de près les négociations climatiques, a estimé que « la conclusion du sommet de Lima est en retrait par rapport à l'élan mondial pour combattre le changement climatique ».

Ce texte signé par les gouvernements, selon ces ONG, « ne reflète ni l'appui grandissant du public à un abandon des énergies fossiles (responsables des émissions de gaz à effet de serre) ni l'urgence d'assurer une transition » vers des énergies plus propres. Le communiqué du CAN déplore que « plusieurs questions épineuses qui avaient freiné les négociations dans les années précédentes n'ont pas été résolues ».

« Ces négociations montrent que les gouvernements sont déconnectés par rapport à leurs populations, inquiètes des risques liés au changement climatique et favorables à une transition qui donnerait un élan nouveau aux économies nationales », ajoute le texte. Et de poursuivre : « Si ces gouvernements ont pu se cacher à Lima, ils n'auront pas ce luxe à Paris, où le monde attend d'eux un accord, pas de l'inactivité. »

Pour Mohammad Adow, conseiller pour le climat à Christian Aid, l'une de ces ONG, les récents événements climatiques, tels les typhons qui frappent régulièrement les Philippines, mettent en avant des problématiques comme l'aide à l'adaptation pour les plus vulnérables et les indemnisations (Loss and Damage) pour ceux qui ne peuvent plus s'adapter aux changements. « Il y a un éléphant dans la salle de négociations, et nous n'avons pas encore réussi à le neutraliser. Décider de la répartition, entre pays développés et en développement, des efforts en vue de combattre le changement climatique est devenu le plus grand obstacle sur le chemin de Paris », a-t-il poursuivi.

« Les gouvernements ont lamentablement échoué à s'entendre sur un plan spécifique visant à réduire les émissions avant 2020 (NDLR : l'année où le futur accord de Paris entrera en vigueur), qui aurait pavé la voie à une transition des économies vers les énergies renouvelables et vers une plus grande efficacité énergétique », a déclaré pour sa part Samantha Smith, directrice de WWF Global Climate and Energy Initiative. « La science a clairement démontré que retarder l'action jusqu'à 2020 rendra quasiment impossible d'éviter les pires impacts des changements climatiques, a poursuivi Mme Smith. Toutefois, l'opportunité politique l'a emporté sur l'urgence scientifique. Au lieu de faire montre d'un véritable leadership, (les négociateurs) ont délivré un plan terne sans bases scientifiques solides. »

Pour Winnie Byanyima, directrice exécutive d'Oxfam International, « le fossé se creuse entre l'approche adoptée par les négociateurs et un public en attente d'une action véritable ». « Le dénouement (de Lima) ne peut être perçu que comme un appel à l'action lancé aux peuples du monde. Les gouvernements ne décideront pas des solutions dont nous avons besoin à moins que les peuples fassent entendre leurs voix », a-t-elle poursuivi. Toutefois, Mme Byanyima note une avancée dans les négociations de Lima, celle de la mention d'une transition des énergies fossiles vers des énergies propres dans la liste des options pour le futur texte d'accord de Paris.